Juricomptabilité et évaluation d'entreprise

Articles from: 15/08/2010

Juricomptabilité: la nécessité d’un témoin expert – Partie 2

L’expert est nécessaire si la réponse est oui à la question suivante:

Cette preuve est-elle nécessaire pour permettre au juge de comprendre certains aspects du dossier?

La Cour dans l’arrêt R. c. Mohan ( décision de la Cour Suprême) énonce:

L’admission de la preuve d’expert repose sur l’application des critères suivants:

a)  la pertinence;

b)  la nécessité d’aider le juge des faits;

c)  l’absence de toute règle d’exclusion;

d)  la qualification suffisante de l’expert.

a)  La pertinence

Comme pour toute autre preuve, la pertinence est une exigence liminaire pour l’admission d’une preuve d’expert.  La pertinence est déterminée par le juge comme question de droit.  Bien que la preuve soit admissible à première vue si elle est à ce point liée au fait concerné qu’elle tend à l’établir, l’analyse ne se termine pas là.  Cela établit seulement la pertinence logique de la preuve.  D’autres considérations influent également sur la décision relative à l’admissibilité.  Cet examen supplémentaire peut être décrit comme une analyse du coût et des bénéfices, à savoir «si la valeur en vaut le coût.»  Voir McCormick on Evidence (3e éd. 1984), à la p. 544.  Le coût dans ce contexte n’est pas utilisé dans le sens économique traditionnel du terme, mais plutôt par rapport à son impact sur le procès.  La preuve qui est par ailleurs logiquement pertinente peut être exclue sur ce fondement si sa valeur probante est surpassée par son effet préjudiciable, si elle exige un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec sa valeur ou si elle peut induire en erreur en ce sens que son effet sur le juge des faits, en particulier le jury, est disproportionné par rapport à sa fiabilité.  Bien qu’elle ait été fréquemment considérée comme un aspect de la pertinence juridique, l’exclusion d’une preuve logiquement pertinente, pour ces raisons, devrait être considérée comme une règle générale d’exclusion (voir Morris c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 190).  Qu’elle soit traitée comme un aspect de la pertinence ou une règle d’exclusion, son effet est le même.  Ce facteur fiabilité?effet revêt une importance particulière dans l’appréciation de l’admissibilité de la preuve d’expert.

La preuve d’expert risque d’être utilisée à mauvais escient et de fausser le processus de recherche des faits.  Exprimée en des termes scientifiques que le jury ne comprend pas bien et présentée par un témoin aux qualifications impressionnantes, cette preuve est susceptible d’être considérée par le jury comme étant pratiquement infaillible et comme ayant plus de poids qu’elle ne le mérite.  Comme le juge La Forest l’a dit dans l’arrêt R. c. Béland, [1987] 2 R.C.S. 398, à la p. 434, relativement au témoignage sur les résultats d’un détecteur de mensonges produits par l’accusé, une telle preuve ne devrait pas être admise en raison de «la faillibilité humaine dans l’évaluation du poids à donner à la preuve empreinte de la mystique de la science».  On a appliqué ce principe dans des décisions comme R. c. Melaragni (1992), 73 C.C.C. (3d) 348, dans laquelle le juge Moldaver a appliqué un critère préliminaire de fiabilité à ce qu’il a qualifié de [traduction] «nouvelle technique ou discipline scientifique» (p. 353).  Le juge Moldaver a également mentionné deux facteurs, entre autres, qui devraient être considérés dans de telles circonstances (à la p. 353):

(1)La preuve est?elle susceptible de faciliter la tâche de recherche des faits du jury, ou susceptible de l’embrouiller et de le dérouter?

(2)Le jury est?il susceptible d’être écrasé par l’«infaillibilité mystique» de la preuve, ou sera?t?il capable de garder l’esprit ouvert et d’en apprécier objectivement la valeur?”

Juricomptabilité: le rôle et le choix du témoin expert – Partie 1

Il est de plus en plus fréquent d’avoir recours à des experts dans des dossiers de litige pour donner un éclairage à l’avocat et /ou à la Cour sur des aspects financiers ou comptables d’un dossier. Les textes sur le témoin expert  portera sur le rôle du témoin expert  le choix du témoin expert, ses qualités, ses honoraires , de la nécessité de retenir les services d’un témoin expert, le contenu de son opinion et de son rapport, son témoignage à la Cour, la valeur de son témoignage.

Le rôle de l’expert

Le rôle de l’expert est de donner son opinion dans son domaine d’expertise. Ses connaissances sont utiles pour comprendre des aspects techniques et financiers d’un dossier, et ce, pour le juge et les avocats.  Par exemple, il peut s’agir de:

  • déterminer la perte des revenus d’un individu travaillant à son compte ou d’une entreprise après un préjudice
  • déterminer une sur facturation
  • quantifier des revenus non déclarés
  • rechercher des actifs cachés
  • estimer l’avoir net d’un individu.

Les qualités du témoin expert

En vertu de la Loi, seul le témoin expert peut donner son opinion devant la Cour. Le témoin ordinaire relate des faits seulement et jamais une opinion.  Ainsi, il doit être compétent dans le domaine pour lequel la Cour a besoin d’éclairage. Il doit être indépendant et impartial même si ses services et honoraires sont payés par l’une des parties. Le juge n’est pas obligé d’accepter ou de tenir compte du témoignage de l’expert, il peut rejeter son témoignage pour cause de partialité ou de manque de crédibilité. Donc , la Cour tiendra compte des connaissances de l’expert et comment il a acquis sa compétence et expertise. Sa formation et son expérience seront vérifiés.

Objectivité, impartialité doivent être au rendez-vous.

Voici les qualités recherchées chez un expert , tiré du jugement dans l’affaire Boiler Inspection and Insurance Co. of Canada c. Manac inc. :

  • Le témoignage de l’expert est d’une objectivité irréprochable
  • L’expert ne doit pas oublier qu’il devient l’expert de la Cour, il est celui qui conseille le juge dans un domaine où le juge n’a pas les compétences
  • Il doit éviter les batailles personnelles du genre j’ai raison, il a tort, je suis le meilleur…
  • L’expert doit prendre connaissance de l’ensemble de la preuve pertinente à son expertise
  • Il se doit d’être alerte et d’exiger tous les éléments de preuve qui sont essentiels
  • Il ne peut éliminer des éléments de preuve qui ne supportent pas sa conclusion
  • Il est difficile d’adhérer au témoignage de l’expert s’il modifie son témoignage et est en contradiction avec son rapport
  • Il ne peut être complaisant envers une partie , celle qui le paie. Il doit faire preuve de prudence dans l’expression de son opinion et éviter de manquer de rigueur
  • Les hésitations sont un manque de rigueur
  • La motivation de l’expert ne doit pas être l’obtention d’un prochain mandat.
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