Juricomptabilité et évaluation d'entreprise

Processus décisionnel

Blind Spots: Comportement contraire à l’éthique

Faccia buffaDans le livre Blind Spots: Why We Fail to Do What’s Right and What to Do about It” (Princeton University Press) (voir blog précédent) on explique qu’au moment de prendre une décision, selon les auteurs Bazerman et Tenbrunsel, il y a une grande différence entre le “je veux” et le “je devrais” dans le processus temporel de la décision:

Le “je devrais” domine avant et après la prise de décision, c’est le côté rationnel, réfléchi, intellectuel:

  • Je dois agir avec éthique…donc, je le ferai;
  • Je devais  agir avec éthique…donc, je l’ai fait.

Le “je le veux” domine au moment même de la décision et ce qui domine est l’intérêt personnel et une absence de regard au côté éthique de la prise de décision et du je devrais : “je ne vois pas l’implication éthique de cette décision, donc je fais ce que je veux”. Il semblerait qu’au moment de prendre la décision, le focus est mis sur les besoins à court terme. Nos propres intérêts à long terme  et la considération des intérêts des autres disparaissent. Souvent les actions précèdent le raisonnement.

Après l’événement, il est toujours possible de “nettoyer” sa propre image (psychological cleansing).

Our memory is selective;specifically, we remember behaviors that support our self-image and conveniently forgot those that do not. We rationalize unethical behavior, change our definition of ethical behavior, and, over time, become desensitized to our own unethical behavior.

When we recall our past behavior, the self-serving biaises help to hide our unethical actions. The implicit goal is not to arrive at an accurate picture of ourselves, but rather to create a picture the fits with our desired self-view.

Le meilleur exemple de ce principe est le “tout le monde le fait”, “si ce n’est pas moi, ce sera un autre…” Plus notre environnement tolère des comportements contraires à l’éthique, plus ils deviennent acceptables.

Une autre conclusion des auteurs est que plus une personne à un intérêt personnel dans une situation plus elle a de la difficulté à l’approcher sans biais même si cette personne se considère honnête. Ce biais s’applique aussi aux comportements contraires à l’éthique des autres si ce comportement peut causer du tort à l’observateur. Le terme “motivated blindness” ou aveuglement motivé ou volontaire décrit bien ce processus.

Site du livre: http://www.blindspots-ethics.com/

Rémunération des dirigeants: de la séparation du pouvoir décisionnel et de la propriété

Avec tous les scandales de la dernière décennie ( Madoff, Earl Jones, Enron, Lacroix…etc.) on peut se poser la question si ce n’est tout simplement pas une conséquence de la séparation de la direction et du pouvoir décisionnel avec la propriété de l’entreprise. Une majorité d’actionnaires ( en nombre d’individus ) détenant des actions n’ont pas de pouvoir réel dans la conduite des affaires d’une entreprise. L’entreprise est gérée par des gestionnaires de carrière et ces derniers , sont rémunérés en fonction des résultats à court terme ; un salaire de base, un boni, et des options pour acheter des actions à un prix fixe.

Henry Mintzberg , dans un article , How Productivity Killed American Entreprise, mentionne que la vue à court terme des dirigeants pour hausser la cote à la bourse des actions:

Legal Corruption But how exactly? How did these heroic leaders manage to push up those share prices so quickly? Some, as we know, simply cheated, cooking the books to make things look good. But this was the tip of the iceberg, the illegal corruption that, once revealed, could be dealt with in courts of law. Far more pervasive, and insidious, was the legal corruption underneath, which amounted to cashing in the “goodwill” that many corporations had nurtured so carefully over so many years.Accountants had trouble measuring that, so it did not count. But they could certainly measure short-term profits, much as the economists could measure productivity. So the CEOs managed this narrow kind of performance very carefully, often more carefully than they managed the business itself. The object was to con the financial analysts, or at least those people convinced by these analysts to buy the stock. So all kinds of employees were distracted making useless plans to impress outside investors.

Récemment, un article du président d’Audit Integrity,  fait la mention  de statistiques troublantes et qui devraient nous faire réfléchir. La compensation moyenne d’un exécutif des 500 entreprises du S&P était de 1,5 million en 2000 et de 3,7 millions en 2008.   On pourrait penser que cette hausse de rémunération est causée par un rendement exceptionnel des entreprises, cependant depuis 1999, la hausse du rendement des actions a été de 6,4%.  En 2008, les versements de ces mêmes corporations dans un fonds de pension ont été de 39,5 milliards contre 44,5 milliards de dollars donnés en options d’achat d’actions à la direction.

Des entreprises avec une forte rémunération des dirigeants amènent la manipulation des données pour montrer une rentabilité à court terme ou des prises de décision favorisant le bénéfice à court terme au lieu du long terme:

There is no evidence that increased compensation has a positive impact on corporate results. In fact, Audit Integrity’s studies over the last decade-plus have shown quite the opposite, particularly in regard to excessive incentive compensation. Incentive compensation as a percent of total compensation for CEOs and CFOs is a significant measure in determining the probability of a company’s poor future performance.
Companies with abnormally high incentive compensation often end up as poor performers because management manipulates short-term returns to the detriment of the companies’ long-term interest. This observation is not new. In a rallying cry for a return to shareholder capitalism, in which a company’s decisions are made by the owners, rather than “managerial capitalism,” Martin Hutchinson quotes none other
than Adam Smith on conflict of interest: “Economic theory is pretty clear on the advantages of shareholder capitalism, in which there is no separation between the ownership of businesses and its decision-making. The benefits of the price mechanism, in which
economic actors compete with each other for advantage, have been with us since Adam Smith famously wrote, ‘It is not from the benevolence of the butcher, the brewer, or the baker that we expect our dinner, but from their regard to  their own self-interest. We address ourselves, not to their humanity but to their self-love, and never talk to them of our own necessities but of their advantages.’ Thus selfish people acting in their own interest and controlling their own capital produce benefits for society as a whole. “However, Smith recognized that when managers were separated from capital, a very different picture emerged. ‘The directors of such companies … being the managers of other people’s money than their own, it cannot well be expected that they should watch over it with the same anxious vigilance … Negligence and profusion must always
prevail, more or less, in the management of such a company’.’”1[4]

Mintzberg a publié , en novembre 2009 , dans le Wall Street Journal, un article sur les bonis de la direction. sa conclusion:

So, again, there is but one solution: Eliminate bonuses. Period. Pay people, including the CEO, fairly. As an executive, if you want a bonus, buy the stock, like everyone else. Bet on your company for real, personally.Actually, bonuses can serve one purpose. It has been claimed that if you don’t pay them, you don’t get the right person in the CEO chair. I believe that if you do pay bonuses, you get the wrong person in that chair. At the worst, you get a self-centered narcissist. At the best, you get someone who is willing to be singled out from everyone else by virtue of the compensation plan. Is this any way to build community within an enterprise, even to foster the very sense of enterprise that is so fundamental to economic strength?

Accordingly, executive bonuses provide the perfect tool to screen candidates for the CEO job. Anyone who insists on them should be dismissed out of hand, because he or she has demonstrated an absence of the leadership attitude required for a sustainable enterprise.

Of course, this might thin the roster of candidates. Good. Most need to be thinned, in order to be refilled with people who don’t allow their own needs to take precedence over those of the community they wish to lead.

Pour Mintzberg, la solution est très simple et facile d’application. Par contre on n’entend pas ce genre de discours à la radio et à la télé. Si on écoute le matin la radio, les émissions à forte cote d’écoute, il y a toujours  un expert qui parle des cotes à la bouse, de l’indice des marchés, du comportement de la bourse asiatique. La bourse va bien par rapport à hier  , donc  l’économie va bien. Cela véhicule, selon moi, l’engouement de l’aspect court terme du rendement, rien à voir avec l’investissement durable, la création d’emploi, la création de richesse.

Fraude à l’investissement et processus décisionnel

Comme mentionné dans les articles précédents , le processus décisionnel n’est pas un processus essentiellement rationnel.  L’étude du processus décisionnel et de la façon dont les décisions se prennent est une science récente (1990) ; la neuroéconomie. La biologie, la génétique influencent la prise de décision.

Selon wikipedia, on peut définir la neuroéconomie:

La neuroéconomie est une branche de recherche au croisement de l’économie et des neurosciences cognitives qui étudie l’influence des facteurs cognitifs et émotionnels dans les prises de décisions qu’il s’agisse d’investissement, d’achat, prise de risque, consommation. Elle couvre entre autres, sous l’appellation neurofinance, la prise de décision en matière de placements et d’emprunts.

Elle est voisine de l’économie comportementale, la différence étant que celle-ci s’intéresse plutôt aux comportements individuels et collectifs des agents économiquesneurobiologiques de ces comportements, notamment grâce aux techniques d’imagerie cérébrale.” tandis que la neuroéconomie examine les bases

….

“La neuroéconomie tend donc à confirmer le rôle important des processus psychologiques émotionnels dans la prise de décision économique et financière, laquelle ne se fait donc pas entièrement sur des bases rationnelles. Elle apporte ainsi un nouvel outil d’investigation permettant de compléter l’étude des biais cognitifs et émotionnels déjà mis à jour dans le domaine plus large de l’économie comportementale.

Au niveau des applications, une meilleure connaissance du rôle des émotions dans la décision économique peut à la fois conduire à des manipulations (par exemple en matière de promotion des ventes, le neuro-marketing) et à l’inverse permettre aux agents économiques de mieux comprendre, pour y résister, ce qui, dans leur fonctionnement mental, peut les détourner d’une analyse rationnelle.”

Source: http://fr.wikipedia.org/wiki/Neuro%C3%A9conomie

On appelle “inattentional blindness” , un aveuglement par rapport à ce qui se passe autour de nous. Un petit test à faire, absolument super. Ça ne prend que quelques secondes à faire.

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Un autre:

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Ce n’est donc pas évident de faire le bon choix face à une multitude de stimuli , d’informations que le cerveau ne peut pas traiter consciemment et d’autres que l’on ne sait même pas  qu’il traite inconsciemment.

Herbert Simon mentionnait: ” chaque organisme humain vit dans un environnement qui produit des millions de bits de nouvelles information chaque seconde mais[…] l’appareil de perception n’admet certainement pas plus de 1 000 bits par seconde et probablement moins “

Source: wikipedia   http://fr.wikipedia.org/wiki/Herbert_Simon

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