Juricomptabilité et évaluation d'entreprise

Culture organisationnelle et climat organisationnel

Claude Robinson et les autres : faire valoir ses droits

Le cas de Claude Robinson doit réjouir beaucoup de gens ( sauf les défendeurs). Un jugement de près de 200 pages, des centaines de pièces justificatives au dossier, des témoins-experts , des dizaines de journées d’audience et…14 ans pour monter un dossier et arriver à une sentence favorable pour M. Robinson.

J’ai écouté, en auto, l’ interview de Paul Arcand . U n témoignage poignant d’un homme qui a vécu pendant 14 ans une injustice . De courage, de la persévérance,  et je dirais un immense amour de son entourage pour l’avoir soutenu.  Surtout son conjoint. Seul, c’est impossible.

Pouvez-vous , vous imaginer, ne pas travailler pendant 14 ans, focussé sur le fait d’être une victime de gens corrompus ( qui ont eu leur moment de gloire et de bonne presse) partir en croisade contre l’injustice? Ne penser qu’à ça? Avoir des frais d’avocats dans les 6 et 7 chiffres? Être sur le bord de la dépression? Faire un travail de fouille quasi archéologique , compiler des  milliers de pages de documents pour monter une preuve ?

Dans ma pratique, j’ai été en contact avec des couples  victimes d’injustice de la part de grosses organisations, qui avaient tout perdu ,  qui se battaient depuis 10-15ans pour faire valoir leurs droits , au bord de la  misère à cause des frais engloutis et qui ne veulent pas faire faillite, ni baisser les bras.  Ces gens montent leurs dossiers eux-mêmes, sans avocat, sans spécialiste et  ils cognent à toutes les portes qu’ils peuvent pour trouver un peu d’aide et avoir des conseils.

Il faut se battre  pour faire valoir ses droits . Pour un cas comme Claude Robinson, il y en a combien qui tombent dans l’oubli, essoufflés, diminués, victimes de la corruption, de la complicité de plusieurs personnes , associés, partenaires d’affaires, employés  et d’une culture dont l’argent est le dieu, peu importe comment il est acquis.

Chapeau à Claude Robinson , son  cas va donner beaucoup d’espoir à d’autres personnes, victimes de la corruption des bandits  à cravate et saccoche…

Mise à jour du 29 août: Un témoignage poignant de Claude Robinson recueilli par Nathalie Petrowski:

Mais pendant 14 ans, sa récolte fut une suite sans fin d’obstacles, de mises en échec, de revers, de reports procéduriers et de dettes qui n’en finissaient plus de grimper.

«Claire et moi, on savait que si on perdait en cour mercredi, on perdait tout: la maison, l’auto, notre entreprise. Nos dettes étaient si importantes que si le jugement nous avait été défavorable, nous étions finis. On n’arriverait jamais à s’en sortir.»…

«Tu te trouves tellement stupide, épais, niaiseux de t’être fait fourrer que sur le coup, t’as vraiment pas la force de te battre. Ton estime est à zéro. Tu trouves que t’es un moins que rien qui ne mérite pas de vivre. Aujourd’hui, quand je vois les victimes d’Earl Jones, je suis vraiment inquiet pour elles. Non seulement ces gens-là ont tout perdu et ne retrouveront jamais leur argent, mais le gouvernement tente de les culpabiliser en les tenant en partie responsables de leurs déboires. Je trouve cela odieux et dangereux. Ces gens-là sont fragiles à l’extrême comme je l’ai été. Ils ont besoin d’être aidés, pas jugés. Qu’est-ce que le gouvernement attend pour leur fournir une assistance psychologique et médicale?»

Firmes de courtage américaines: culture organisationnelle et bonis

Plusieurs auteurs considèrent que les organisations et leurs leaders doivent montrer un certain sens de l’éthique ou ce que l’on pourrait appeler “agir en bon père de famille” pour lutter contre la fraude et la corruption.

J’ai vu, personnellement, des patrons avoir peur de se faire voler et surveiller de très près leurs employés et cherchant des employés honnêtes tout en étant eux-mêmes des fraudeurs du fisc , volant les clients ( par exemple en installant des pièces usagées et facturant pour des pièces neuves) . Les employés conscients et honnêtes quittent assez vite ce genre d’organisations.

De l’achat de cigarettes de la contrebande, des kits pour mettre à “off” le speedomètre d’une automobile louée, du travail au noir…etc , la fraude et la corruption est partout.

Comment un simple citoyen, payeur de taxes, dont les enfants vont payer encore des taxes pour de vieilles dettes  ,  se sent quand il lit le texte suivant , préparé par le procureur général  de l’état de New York dans un rapport publiée le 30 juillet et intitulé

“NO RHYME OR REASON: The Heads I Win, Tails You Lose – Bank Bonus Culture” ( cliquez sur le titre pour le rapport complet- le lien n’est plus disponbible-31/08/2012 ):

“…one  thing is clear from this investigation to date: there is no clear rhyme or reason to the way banks compensate and reward their employ~es. In many ways, the past three years have provided a virtual laboratory in which to test the hypothesis that compensation in the financial industry was performance-based. But even a cursory examination of the data suggests that in these challenging economic times, compensation for bank employees has become unmoored from the banks’ financial performance.
Thus, when the banks did well, their employees were paid well. When the banks did poorly, their employees were paid well. And when the banks did very poorly, they were bailed out by taxpayers and their employees were still paid well. Bonuses and overall compensation did not vary significantly as profits diminished.
An analysis of the 2008 bonuses and earnings at the original nine TARP recipients illustrates the point. Two firms, Citigroup and Merrill Lynch suffered massive losses of more than $27 billion ateach firm. Nevertheless, Citigroup paid out $5.33 billion in bonuses and Merrill paid $3.6 billion in bonuses. Together, they lost $54 billion, paid out nearly $9 billion in bonuses and then received TA~ bailouts totaling $55 billion.

For three other firms -Goldman Sachs, Morgan Stanley, and JP. Morgan Chase -2008 bonus payments were substantially greater than the banks  net income. Goldman earned $2.3 billion, paid out $4.8 billion in bonuses, and received $10 billion in TARP funding. Morgan Stanley earned $1.7 billion, paid $4.475 billion in bonuses, and received $10 billion in TARP funding. JP. Morgan Chase earned $5.6 billion, paid $8.69 billion in bonuses, and received $25 billion in TARP funding. Combined, these three firms earned $9.6 billion, paid bonuses of nearly $18 billion, and received TARP taxpayer funds worth $45 billion. ”

L’annexe A de ce rapport donne un tableau récapitulatif.

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Pour Naomi Klein et d’autres, l’aide gouvernementale américaine aux banques est le pire vol de l’histoire. ( www.naomiklein.org)

Je me demande comment un prêteur  réagirait si un de ses clients corporatifs , une PME, qui lui devrait beaucoup d’argent , faisait une grosse perte  et se voterait un gros boni en même temps?

Lu: “Corporate Crooks : How Rogue Executives Ripped Off Americans…and Congress Helped Them Do It”

Un livre à lire.  Greg Farrel est un journaliste d’enquête  pour le journal  USA Today  et  se spécialise dans les fraudes des cols-blancs.

Très bien écrit, facile à comprendre, juste assez de détail pour comprendre l’environnement dans lequel se trouve les hauts dirigeants financiers, les courtiers et les analystes des marchés depuis 1980.

L’auteur explique les gestes posés, les acteurs, les dérèglementations qui ont amené cette situation. La modification des salaires fixes vers une rémunération par des options d’achat d’actions qui incitent à trafiquer les livres et à frauder les investisseurs. La dérèglementation et les pressions politiques. Les faibles effectifs de la Security Exchange Commission (SEC), et comment cette dernière a peu de budgets , peu de comptables et avocats pour exercer sa surveillance.

La corruption à tous les niveaux avec peu de moyens pour la contrer.

Le livre a été publié en 2006 , peu après les scandales d’Enron et de WordCom et l’auteur prévoyait d’autres scandales à l’horizon même après l’adoption de la loi Sarbannes-Oxley.

L’auteur donne , dans sa conclusion, les conseils suivants:

  • Soyez sceptique
  • Trouvez comment l’entreprise gagne son argent
  • Ne croyez pas  quand les dirigeants d’entreprise disent avoir trouver une “autre façon de faire des affaires”
  • Il faut  protéger ceux qui dénoncent
  • Pour les employés de ces entreprises: attention à ne pas se retrouver  pris dans le conflit de fermer les yeux pour  garder son emploi ou même d’être complice en trafiquant les livres pour que ça paraise mieux
  • Plus de fonds ( pour engager des employés compétents et en plus grand nombre)  et de pouvoir pour la SEC et des bonis pour les employés pour les motiver à trouver les fraudes ( car ils sont beaucoup moins bien payé que dans le privé).

“Bailout américain” : suivi

John Kenneth Galbraith , économiste né au Canada , qui a été professeur à Harvard et conseiller de Kennedy mentionnait que le terme capitalisme n’était plus utilisé pour décrire notre société mais plutôt ” économie  de marché” ( Market System). Ce ne sont plus les propriétaires du capital qui décident ce sont les managers:

“Managers, as will later be emphasized, not the owners of capital, are the effective power in the modern entreprise.”  The Economic of Innocent Fraud, 2004 , Houghton Mifflin Company, page 3.

Dans les dernières pages de son livre , il concluait par:

“Management authority, its abuse and personal enrichment, will continue. The prime hope must be full recognition by the public and by the public authority of the opportunity it affords for socially undesirable behavior. Accordingly, there must be surveillance of the reputable entreprise and general attention to managerial self-reward…Freedom for beneficial economic action is necessary; freedom should not be a  cover for either legal or illegal misappropriation of income or wealth. Corporate management must have authority for action but not for seemingly innocent theft”

The Economic of Innocent Fraud, 2004 , Houghton Mifflin Company, pages51-52.

Le New York Times indique que les banques qui ont déjà reçu des sommes importantes du gouvernement n’ont pas l’intention de rendre compte de l’utilisation de l’argent reçu :

“None of the bankers who appeared before recent investor conferences offered specific details about their intentions, but recurring themes emerged in their presentations. Two of the most often cited priorities were hanging on to the money as insurance against a prolonged recession and using it for mergers.”

Le moins que l’on puisse dire c’est  que ceux qui ont voté pour le Bailout proposé par le Président Bush n’étaient pas des adeptes de Galbraith. Le Bailout ne prévoyait pas que les banques devaient rendre  des comptes sur l’utilisation des sommes reçues de l’état.

La plus grande fraude de l’Inde : Satyam et la “comptabilité créative”

On mentionne dans un article de Reuters -UK que la plus grande fraude de l’Inde, Satyam utilisait le maquillage de son encaisse ( comptabilité créative) pour gonfler la valeur de son encaisse et ainsi montrer des profits compétitifs. 94% de l’encaisse montré aux livres  était fictif . Satyam, supposémment,  suivait les règles comptables indienne et américaine, était vérifié par une grande firme internationale et avait des membres de son conseil d’administration crédibles. Durant le gros de la bulle technologique Satyam montrait des profits à la hausse de 50% à tous les trois mois.

Pourquoi cette manipulation?

“Pressure to maintain this pace of growth, please investors and shareholders and justify inflated P/E multiples during a six-year bull run on the stock market have all been cited as reasons why Satyam cooked the books.”

Pour lire l’article au complet, cliquez ici.

Pour ceux qui ont lu l’article précédent , vous n’aboutirez pas à un site d’hameçonnage en cliquant sur le lien.

Bouquin: “Snakes in Suits- When Psychopaths go to Work”

“Snakes in Suits – When Psychopaths go to Work” de P. Babiak & R. Hare” , ce livre pourrait se traduire par “Les psychopathes dans les organisations”.

Ce n’est pas un livre sur la fraude mais on y parle des psychopathes et de leurs comportements dans les organisations. La majorité des travailleurs sont honnêtes, loyaux et respectueux de règles de la société . D’autres sont manipulateurs, dominateurs, égoïstes, ignorant les règles ( elles ne sont pas pour eux ) et concernées par eux-mêmes seulement.  Ils cherchent le pouvoir et le contrôle et souvent ces gens se retrouvent dans des postes de direction.  C’est un terrain que ces gens aiment, ils s’y sentent à l’aise. Pour eux, c’est l’atteinte du succès à n’importe quel prix.

Les psychopathes qui se retrouvent dans des postes importants sont charismatiques, fins manipulateurs, et même charmeurs et  ces caractéristiques peuvent être confondues à celles du leader.

Vivre avec ou côtoyer un manipulateur peut être excessivement pénible pour l’entourage et l’organisation. Ce livre nous montre comment ils agissent, comment ils savent trouver les failles d’une organisation et les faiblesses d’un individu. En connaissant leurs agissements, cela nous aide à les identifier et agir en conséquence pour protéger l’organisation ou pour se protéger en tant qu’individu.  Des trucs pour analyser les curriculum vitae, techniques d’entrevues, et une liste qui permet de lever des drapeaux rouges complètent le bouquin.

Facile à lire,  intéressant, 336 pages aux éditions Harper Collins, 2006.

Climat organisationnel propice à la fraude et à la malveillance – Partie ll

Pour prévenir la fraude dans les organisations, ca prend beaucoup plus que des contrôles internes, ca prend un climat de sens moral qui doit être véhiculé à tous les niveaux de l’organisation et surtout par la haute direction.
Henry Mintzberg de l’université Mc Gill , dans son article sur  “How Productivity Killed American Entreprise ” mentionne que la poursuite de la productivité et de la maximisation de la valeur des actionnaires ( qui en fait sont, pour beaucoup, des spéculateurs et « day trader), le focus sur la performance provoqué par la règle de publication des résultats intérimaires trimestriels amènent la haute direction à penser court terme au détriment du service, de la clientèle, des produits à moyen et long terme et au développement durable. Rajoutons à cet environnement, une rémunération de la haute direction basée surtout sur des options d’achat d’actions et carte blanche pour agir mais toujours dans un but d’augmenter le prix des actions à la bourse. Tricherie, maquillage des états financiers, peuvent facilement devenir la norme. La recommandation de Mintzberg sur ce qu’il faut faire maintenant c’est de se questionner sur ce qui nous a amené à cette situation , de la valeur des actions de  l’actionnaire qui nuit à la valeur de l’entreprise et aux valeurs humaines et du genre de leadership que l’on favorise.

Selon Duffield et Graboxky dans  ” The Psychology of Fraud”, le profit d’un fraudeur au niveau de la haute direction montre un individu qui est admiré pour ses succès, son dynamisme. Il aime le pouvoir, le contrôle, il a une impression favorable de lui-même telle qu’il est narcissique et une croyance infaillible qu’ il fait ce qui doit être fait et que c’est un preneur de risque. Ils se sentent supérieurs aux autres. Leona Helmsley, une riche américaine accusée de fraude fiscale mentionnait avec arrogance « only the little people pay taxes »  ( “ce sont seulement les gens ordinaires qui paient des taxes” , traduction libre).

dreamstime_3162286Et pour terminer , en parlant d’Enron, le président Bush attribuait la chute de la compagnie en 2001 à « quelques pommes pourries »  dans le panier. Lorsqu’on lit l’actualité financière et le nombre de fraudes de plus en plus important avec des pertes pour les investisseurs de l’ordre de dizaines de billions de dollars , le scandale des commandites, Lacroix , Madoff, Mount Real, Olympus et autres c’est plusieurs  récoltes de pommes qui ne semblent pas être bonnes.

Vous connaissez surement des individus qui ont ce profil, j’en connais aussi mais ce ne sont pas nécessairement des fraudeurs mais ces traits de caractère et attitudes prévalent dans la population des fraudeurs. Mais en plus des caractéristiques psychologiques des fraudeurs  , ca prend l’environnement propice à la fraude.  « Le microbe n’est rien. Le terrain est tout » selon Pasteur, c’est vrai en biologie mais aussi  dans les organisations. Le fraudeur a la possibilité d’agir parce que l’environnement est propice.

À  suivre.

Climat organisationnel propice à la fraude et à la malveillance

Existe-t-il un climat organisationnel ou une culture organisationnelle qui encourage la fraude et la malveillance ?

On pourrait répondre non. Aucun dirigeant ne voudrait qu’un de ses employés fraude ou détourne des fonds de l’entreprise. Les procédures de contrôle interne existent, entre-autre, pour préserver l’intégralité des actifs, pour éviter les détournements de fonds, les vols d’inventaire ou d’autres actifs.De plus, les règles de Sarbanes-Oxley ou SOX aux États-Unis (loi de 2002 sur la réforme de la comptabilité des sociétés cotées et la protection des investisseurs)ou la Loi 198 au Canada, pour les compagnies publiques , ont été mises sur pied après le scandale d’Enron et par le fait même la perte de crédibilité des vérificateurs Arthur Andersen. Ces nouvelles normes exigent que les dirigeants d’entreprise puissent garantir l’intégrité des états financierset certifier le maintien de contrôles internes adéquats et efficaces. D’autres règles sont stipulés pour éviter les conflits d’intérêts : les vérificateurs ne peuvent être des consultants. Le but de ces normes : recréer la confiance des investisseurs . Au Canada, la mise en œuvre de ces normes devait être effective pour le 31 décembre 2007.
Au niveau de l’organisation, ces normes ont permis de faire l’évaluation des contrôles internes et de procéder à des correctifs et la mise en place de comités de vérification proactifs.

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On peut considérer, par analogie, ces règles de présentation de l’information financière comme les signaux routiers que l’on retrouve sur les autoroutes. Un virage à 90 degrés? Il faut ralentir, il y a aussi des garde-fous sur les côtés du précipice, nous avons notre ceinture de sécurité, nos airbags, les 2 mains sur le volant, nos pneus d’hiver, sans alcool dans le sang… sauf qu’il y a toujours des accidents graves et des pertes de vie.

Donc, la fraude n’existe plus? Ou est-elle  vraiment limitée à des situations exceptionnelles?
Il y aura toujours des fraudes. À cause du facteur humain , des pressions auxquelles les dirigeants font face , de l’environnement organisationnel et de la psychologie des dirigeants et du fraudeur. On parle d’éthique, de probité , de sens moral.

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