Juricomptabilité et évaluation d'entreprise

Articles from: October 2010

Fraude: Un site internet pour les victimes de Carole Morinville

Le site www.carolemorinville.com a été créé afin de réunir toute l’information disponible sur la fraude de Carole Morinville qui, sans scrupules, a volé un nombre important d’investisseurs. Voici un texte d’une des victimes:

J’ai fait sa connaissance en 2005 , la relation s’est bâtie tranquillement et elle a pris de plus en plus de place dans ma vie. Je la croyais une amie, une amie en qui j’avais une confiance aveugle et vers qui je me suis tournée lorsque j’avais besoin de conseils non seulement financiers, mais personnels aussi. Elle s’est servie de cette confiance pour s’approprier mon argent, argent qui ne lui appartenait en rien et avec lequel elle se pavane ouvertement et SANS AUCUNE HONTE. Il faut vraiment être sans coeur pour pouvoir dormir la nuit et sortir en plein jour!!! J’ai été mise au fait de l’enquête en mai dernier et je l’ai convoquée à une rencontre pour m’expliquer ce que cela signifiait. Elle s’est présentée devant moi et pendant 90 minutes elle m’a rassurée que cette enquête ne la visait pas elle personnellement, mais bien un de ses clients, qu’il fallait que je sois patiente et que je ne collabore pas avec l’AMF si je voulais récupérer mon argent plus vite. Je ne l’ai pas crue et je l’ai sommée de me rembourser par voie de mise en demeure et elle n’a même pas daigné répondre dans les délais prescrits. J’ai par la suite repris contact avec elle et elle m’a expliqué que si je voulais prendre des moyens légaux contre elle je n’entendrais plus parler d’elle. Elle m’a par la suite menée en bateau pendant 2 semaines à raison de multiples rendez-vous annulés à la dernière minute pour des raisons toutes plus loufoques les unes que les autres. La veille du dernier rendez-vous elle m’a même téléphoné à 2 reprises pour me garantir qu’elle serait présente et que je n’avais pas à m’en faire. Je lui ai demandé de jurer sur la tête de ses 2 gars et elle m’a répondu qu’elle ne jurait jamais mais que je devais lui faire confiance. À 23:00 ce soir là j’ai eu un message texte me disant qu’elle ne pouvait plus me parler et que je devais attendre la fin des procédures et de l’enquête.

Une femme manipulatrice, sans scrupule, qui se pense au dessus des lois et des autres. De tels êtres devraient être en prison car ce n’est pas juste de l’argent qu’elle m’a pris, c’est ma confiance en la race humaine!!

J’aimerais bien savoir vous aussi, victimes, ce que vous connaissez d’elle et ce qu’elle vous a volé à part l’argent?

Référence: www.carolemorinville.com

La convention d’arbitrage: les arbitres ou la Cour

Un excellent texte publié dans la Revue du Barreau qui fait la synthèse sur l’arbitrage civil et commercial.

http://www.caij.qc.ca/doctrine/revue_du_barreau/69/2019/index.html

Bonne lecture.

Juricomptabilité, juricomptable et jurisprudence: Beaudoin c. Banque fédérale de développement -Partie 2

[292]   La Charte canadienne des droits et libertés s’applique en l’instance, s’agissant d’une corporation de la Couronne. Elle protège les personnes contre les fouilles abusives.

[293]   La Charte québécoise des droits qui s’applique également garantit le droit à la vie privée tout comme le Code civil d’ailleurs. (Art. 3 C.c.Q.)

[294]   Les saisies pratiquées par KPMG sont une immense chasse à l’aveuglette faite sans aucune balise et sans rigueur

[296]   Tout au long des trois saisies, M. Drolet souligne « on prend tout, on ne sait jamais ». On fouille et copie les disquettes personnelles, on ouvre le coffre-fort du bureau de Mme Tremblay.[53]

[297]   C’est de cette façon que toute la comptabilité personnelle de M. Beaudoin, tenue sur disquettes personnelles hors l’ordinateur de la BDC par Mme Tremblay, est copiée et reproduite aux volumes 4, pièce I-8a) et 5, pièce I-8b).

[298]   On y apprendra les détails les plus intimes de la vie de la famille Beaudoin! Les dons de charité de M. Beaudoin, les frais d’orthodontie de Madame, les établissements d’enseignement fréquentés par les deux filles du couple, les frais de scolarité, le coût des livres, les frais de pharmacie, le nom d’un médicament pris par M. Beaudoin, les comptes de taxes, l’argent de poche des jeunes filles, les livres achetés, les dépôts bancaires de Mme Beaudoin dans son compte personnel, etc. Il y en a des centaines.

[299]   Toutes informations absolument inutiles au dossier reproduites sans oblitération des renseignements personnels et nominatifs comme pièce publique au dossier et dont on sait que des extraits se sont retrouvés dans les médias.

[302]   Les modalités de réalisation des saisies sont odieuses et injustifiées. Pratiquées par des experts en juricomptabilité, la violation est encore plus grave.

[305]   La Cour écarte du dossier toute la preuve de cette nature obtenue par KPMG et retrouvée aux pièces I-8a) et I-8b) et leurs annexes.

[312]   La collecte des informations est déficiente. Certaines personnes ont été interrogées et nulle trace n’y paraît à l’expertise. Des témoins ont été interrogés à plusieurs reprises et une seule conversation est enregistrée. Cette sélection de preuve, compte tenu de l’ensemble de la preuve entourant la confection de l’expertise est inquiétante.

[313]   M. Drolet explique que plusieurs courtes entrevues d’une heure trente à deux heures pouvaient précéder l’entrevue enregistrée qui, elle, durait trois heures sans interruption.

[314]   La Cour est inquiète de constater que des témoins ont pu être interrogés pendant trois heures dans ces circonstances et donner une version sereine et crédible.

[315]   La façon de mener les entrevues inquiète tout autant. On introduit le témoin dans une salle de conférence. MM. Drolet, Gosselin et McGarr sont à un bout de la table, le magnétophone sur la table et le témoin face à eux pendant trois heures pour une enquête de fraude sur le président « congédié ».

En conclusion, le  rapport de KPMG a été rejeté. Un autre juricomptable était dans le dossier, la firme Richter engagée par M. Beaudoin.

[326]   M. Andrew Michelin, comptable agréé, déclaré par la Cour témoin expert en comptabilité « with expertise in litigation report », reçoit le mandat de M. Beaudoin de réviser l’expertise de KPMG et d’y apporter ses commentaires.

[329]   Pour ce qui est des travaux personnels, M. Michelin dénonce la méthode de travail des experts de KPMG. Pour lui, le travail fait par ses collègues n’est pas du travail de comptable agréé et encore moins du travail d’expert en juricomptabilité. Les gens de KPMG se sont contentés de noter les allégations des chauffeurs quant aux heures consacrées aux travaux personnels et de les multiplier par leur taux horaire.

[330]   Ce travail, selon M. Michelin, n’est pas un travail d’expert mais le travail du tribunal suite aux représentations des avocats.

[331]   Les gens de KPMG n’ont fait preuve d’aucun scepticisme critique, n’ont fait aucune enquête comptable pour vérifier si les allégations des chauffeurs avaient du sens commun ou non. Ils n’ont pas relevé ni étudié les contradictions. Ils ont écarté en bloc la version de Mme Tremblay et celle de M. Beaudoin sans se poser de question et sans vérifier si elles étaient plausibles.

[350]   Revenant sur la réclamation de KPMG, M. Michelin reproche à ceux-ci d’avoir présenté un travail qui n’est pas une expertise comptable ou juricomptable et de l’avoir bonifié en y mettant l’entête KPMG.

[351]   On ne peut interroger les chauffeurs, prendre leurs affirmations sur les heures travaillées, les multiplier par leur taux horaire et conclure que M. Beaudoin doit ces sommes.

[352]   Les sources de KPMG ne sont ni rigoureuses, ni vérifiées. Si la vérification des sources était impossible, il fallait le dire et s’abstenir de conclure.

[353]   Si KPMG avait fait un véritable travail de juricomptabilité, ils auraient vu que les allégations étaient exagérées et non fiables.

[354]   De fait, M. Michelin reproche à M. Drolet de ne pas avoir corrigé son expertise après le témoignage des chauffeurs puisqu’il a été présent pendant tout le procès. Ainsi, la version de M. Bourque en cour par rapport à celle donnée hors cour a changé de façon substantielle et quant à celle de M. Dupuis, elle a changé du tout au tout.

[355]   Comme toute l’analyse de KPMG est fondée sur le témoignage des chauffeurs, elle perd toute crédibilité.

[367]   La Cour retient les très sévères critiques de l’expertise Richter face au travail effectué par les experts KPMG.

Juricomptabilité, juricomptable et jurisprudence: Beaudoin c. Banque fédérale de développement – Partie 1

Ce cas est intéressant pour la crédibilité des experts, dans ce cas-ci, les juricomptables.

Voici un bref résumé de la situation et par la suite, les textes du jugement qui touchent la crédibilité des experts.

M. Beaudoin a été engagé par la BFD comme président vers 1990. En septembre 1999, la BFD décide de congédier M. Beaudoin et une entente à l’amiable est signée entre les deux parties. M. Beaudoin quitte son poste le 1er octobre 1999. À la mi-octobre, un mandat est donné par la BFD à une firme de juricomptable ,KPMG, pour enquêter sur des prétendues malversations commises par M. Beaudoin. Les juricomptables de KPMG  font enquête, questionnent  des employés et arrivent à la conclusion que M. Beaudoin  aurait occasionné des dommages pour 123 000$ à la BFD  et qu’elle retient ce montant de la somme qu’elle avait à verser à M. Beaudoin. Par la suite, une plainte est logée à la Gendarmerie Royale pour fabrication et usage de faux  ( de la part de M. Beaudoin) et la BFD demande qu’une enquête soit faite pour appropriation illégale des biens de la BFD par M. Beaudoin. Après des saisies et une enquête, le procureur arrive à la conclusion qu’il n’y a pas matière à intenter des poursuites pénales contre  M. Beaudoin.

M. Beaudoin demande que l’entente soit homologuée mais la BFD soutient que l’entente est nulle car M.Beaudoin aurait été déloyal envers la BDC . Les arguments de la BDC se fondent sur le rapport émis par les juricomptables de KPGM.  M. Beaudoin a payé des avocats pour se défendre et engager lui aussi, une firme de juricomptables, pour critiquer le travail de KPMG. La firme: Richter. La BFD n’a pu démontrer le caractère frauduleux de M. Beaudoin. Une grande partie de cette affaire a pour origine deux témoins: les chauffeurs de M. Beaudoin: M. Bourque et M.

Voic les extraits pertinents du jugement ( j’ai mis en couleur les points intéressants):

[218]   L’expertise menée par la société KPMG ne rencontre aucun des critères de fiabilité, de rigueur scientifique, d’indépendance intellectuelle et d’éthique qui permettent à la Cour de l’utiliser à la solution du présent litige.

[219]   L’expertise KPMG est formée de deux rapports. Le premier du 7 décembre 2000[42] supporté de quatre volumes de documents et dépositions totalisant 1 138 pages. Le second, dit complémentaire, du 15 janvier 2002 (pièce I-8b) lui-même accompagné de trois volumes de documents et pièces justificatives portant les numéros de pages 1 139 à 2 175.

[224]   Dans un premier temps, la Cour entend M. Denis Gosselin, comptable agréé et membre de l’association des experts en juricomptabilité. Il a assisté M. Stephan Drolet, responsable du dossier chez KPMG dans « l’enquête de fraude » visant M. Beaudoin.

[225]   Témoignant sans notes, visiblement sans préparation puisqu’il ne croyait pas être assigné comme témoin, ses réponses sont approximatives et réfèrent continuellement au fait que M. Drolet saura mieux répondre que lui. Son témoignage n’apporte aucune aide au tribunal.

[226]   N’est pas sans intérêt cependant une certaine idée que le témoin se fait de sa tâche de juricomptable.

[227]   Toute l’enquête de KPMG repose sur les allégations de M. Bourque quant à des illégalités commises par M. Beaudoin. M. Gosselin explique que la tâche des enquêteurs (essentiellement lui, M. Drolet et M. Kevin McGarr) était de « valider » les révélations de M. Bourque auprès de tous les témoins rencontrés.

[230]   M. Gosselin révèle qu’il a un badge d’inspecteur, dont il ignore la provenance, mais qui lui permet d’enquêter à sa guise. Il a participé aux fouilles à la BDC hors les heures ouvrables de la Banque et se croit légitimé de fouiller à sa guise en autant qu’il a l’autorisation du client.

[234]   La Cour refuse de reconnaître au témoin le statut de témoin expert.

[235]   Entendu par la suite, M. Stephan Drolet est l’associé responsable de l’enquête Beaudoin chez KPMG. Il en supervise tous les travaux et signe l’expertise.

[236]   M. Drolet insiste pour préciser que lors d’une enquête en juricomptabilité, il faut toujours donner le bénéfice du doute à la personne sur laquelle on enquête. Cette personne doit toujours être rencontrée par les enquêteurs et un bon enquêteur doit faire preuve de scepticisme critique lors de la collecte d’informations.

[237]   Le juricomptable doit se demander constamment si le dénonciateur a intérêt à le faire. En tout temps, il doit être absolument indépendant durant l’enquête.

[238]   M. Drolet souligne que le permis d’enquêteur auquel a fait référence M. Gosselin n’a aucune utilité en l’instance puisque la BDC n’est pas une compagnie privée.

[239]   Le témoin explique que toute l’enquête part d’allégations du chauffeur Bourque que l’expertise a pour but de « valider ».

[241]   Dès le début de l’enquête, cinq des six reproches sont écartés parce que non fondés. Par exemple, deux enquêteurs vérifieront l’allégation de M. Bourque voulant que M. Beaudoin se soit approprié illégalement de la nourriture à la cafétéria. L’enquête montre qu’à quelques occasions, le président avait apporté des pâtés au poulet à la maison pour lesquels il aurait exigé des factures acquittées sur le champ.

[242]   Le rapport ne fait aucune mention de ces faits.

[243]   Le témoin ordonne la fouille des bureaux de la suite exécutive hors les heures de travail et une fouille informatique des ordinateurs un samedi. À ces occasions, on s’assure que la caméra qui filme en tout temps les allées et venues de la suite exécutive soit débranchée.[45]

[244]   M. Drolet souligne que lors des trois fouilles effectuées à la BDC hors les heures d’ouverture, les enquêteurs prennent tout : « on ne sait jamais ce qui pourrait servir ». Tout est photographié, photocopié, transféré sur disquette et remis à sa place pour que personne ne se doute de rien.

[245]   M. Morris qui représente la BDC dans chacune de ces excursions, explique notamment que le coffre-fort du bureau de Mme Tremblay a été ouvert et qu’on y a découvert des rapports d’impôts de M. Beaudoin. Les gens de KPMG les photocopient.[46] Comme le souligne M. Morris, l’employeur a tous les droits.[47]

[250]   … KPMG précise à 159 393 $ les sommes dues par M. Beaudoin à la BDC plus 26 000 $ établis par la Banque plus les frais d’expertise.

[259]   M. Drolet a lui-même suggéré de vérifier les comptes de dépenses de M. Beaudoin puisque son expérience lui montre que c’est là où les abus sont les plus présents dans ce genre d’enquête.

[260]   L’enquête de KPMG à ce sujet ne montre aucune irrégularité de la part de M. Beaudoin, mais M. Drolet soutient que ce fait n’apporte rien à la crédibilité de M. Beaudoin. Son rapport n’y fait aucune référence.

[261]   Le témoin insiste pour dire que s’il n’a noté aucun élément à décharge en faveur de M. Beaudoin dans son rapport, c’est qu’il ne voulait pas susciter de doute chez le lecteur.

[267]   M. Drolet conclut en affirmant que son approche juricomptable dans cette affaire est sans faille.

269]   Dans un premier temps, KPMG, section juricomptabilité, accepte un mandat d’enquête dont l’analyse des faits peut questionner, voire mettre en doute certains éléments de la vérification interne annuelle faite par KPMG, section vérification.

[270]   Ce n’est pas l’idéal et le danger de conflit d’intérêts aurait dû inciter KPMG à refuser ce mandat. M. Gosselin soulignait d’ailleurs que depuis le scandale Enron, cette dualité de mandat n’est plus acceptable.

[271]   Dans un deuxième temps, M. Drolet, l’âme de cette expertise, n’a pas su apporter à son travail la distance et l’indépendance nécessaires à l’expert qui présente à la Cour une étude impartiale qui l’aide à rendre jugement.

[273]   Tout au long de son témoignage, il s’est avéré clair que M. Drolet avait épousé la thèse de ses clients : démontrer la fraude de M. Beaudoin. Toute objectivité a été écartée. Tout élément à décharge gommé, tout élément possiblement incriminant, amplifié.

[274]   M. Drolet a négligé d’appliquer à l’enquête deux principes de juricomptabilité qu’il décrit pourtant lui-même comme cardinaux : le bénéfice du doute et le scepticisme critique.

[275]   La juricomptabilité, telle qu’appliquée à cette affaire, ne sert pas la justice.

[276]   L’hypothèse de travail même de l’expert fausse l’expertise : on ne cherche pas la vérité, on cherche à « valider » les dénonciations de M. Bourque.

[277]   Tout cela mène l’expert à des hérésies intellectuelles fondamentales : M. Bourque affirme que M. Beaudoin volait de la nourriture à la cafétéria. L’enquête montre que l’accusation est grossière. Malgré tout, jamais la crédibilité de l’accusateur n’est-elle remise en question.


La référence : http://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2004/2004canlii581/2004canlii581.html#_Toc63650729

Voir partie 2 pour la suite.

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